L’effervescence médiatique liée au séquençage de la bactérie Escherichia coli responsable de l’intoxication d’une dizaine de personnes dans le Nord de la France (juin 2011), a engendré de multiples reportages et communiqués. Parmi eux, celui de l’AFP, et ce paragraphe comme point de départ à cet article :
« L’Institut est équipé depuis un mois d’un séquenceur « à haut débit » qui permet de déchiffrer un génome en un temps record à partir d’une « librairie » d’ADN stockée sur une sorte de puce électronique. Cette technologie est notamment utilisée dans la recherche sur le cancer et pourrait remplacer dans un futur proche l’amniosynthèse (sic). »
En France, deux méthodes « invasives » permettent de réaliser un diagnostic prénatal : L’amniocentèse ou prélèvement du liquide amniotique, et une biopsie de trophoblastes ou prélèvement des cellules du futur placenta.
Toutefois, cet acte cause chaque année environ 1% de fausses couches. Rapporté aux 90000 amniocentèses par an, on déplore jusqu’à 900 pertes de fœtus, qui paradoxalement sont sain dans la majorité des cas.
Ces conséquences iatrogènes sont terribles sur le plan humain et il apparait évident de mettre au point une méthode beaucoup moins dangereuse pour la mère et surtout pour le fœtus.
Depuis plusieurs années, il a été démontré la présence de cellules d’origine fœtales dans le sang maternel dès la huitième semaine de grossesse. Cette particularité a dernièrement fait quelques émules et ont décidé de l’exploiter pour la mise au point d’un diagnostic prénatal « non invasif ». Le point critique repose sur la très faible proportion de ces cellules provenant du fœtus ; de l’ordre d’une pour dix millions de globules blancs et cinq milliards de glo¬bules rouges par millilitre de sang maternelle.
L’une des méthodes les plus encourageantes, réalisée par l’équipe de Patrizia Paterlini-Bréchot, Unité Inserm U807, repose sur une méthode d’enrichissement par la taille des cellules trophoblastique dans le sang, dite « ISET » ( Isolation by Size of Epithelial Tumor / Trophoblastic cells ), leur caractérisation par la technique des empreintes génétiques, puis séquençage de l’ADN extrait. La société « Rarecells » a par ailleurs était créée sur cette base.
Cette méthode sensible et spécifique à 100%, a déjà été validée techniquement et cliniquement pour le diagnostic prénatal non invasif de l’amyotrophie spinale (Beroud C., Karliova M., Bonnefont J.P., et al. Prenatal diagnosis of spinal muscular atrophy by genetic analysis of circulating fetal cells Lancet 2003 ; 361 (9362) : 1013-1014) et de la mucoviscidose ( « Recherche de la mutation du gène CFTR » Saker A., Benachi A., Bonnefont J.P., et al. Genetic characterisation of circulating fetal cells allows non-invasive prenatal diagnosis of cystic fibrosis Prenat Diagn 2006 ; 26 (10) : 906-916) , et techniquement seulement pour la trisomie 21.
Une seconde approche, réalisée par des chercheurs de l’Université de Stanford, est basée sur l’étude de l’ADN fœtal libre extrait du sang maternel puis analysé grâce aux séquenceurs à haut débit.
Dans le cas de la trisomie 21 par exemple, l’assignement de plusieurs dizaines de milliers de séquences présenterait un déséquilibre statistique même si la proportion d’ADN fœtal par rapport à l’ADN maternel est extrêmement faible (Noninvasive diagnosis of fetal aneuploidy by shotgun sequencing DNA from maternal blood. Proceedings of the National Science Academy of the USA, 2008, 105, 16266–71). Si cette approche semble très attractive, plusieurs interrogations se posent suite à la lecture du travail scientifique, à la fois sur la méthodologie, l’analyse statistique et l’évaluation des résultats. (Commentaires sur les études de Fan et al.)
Dans l’éventualité d’un diagnostic basé sur le séquençage complet d’un génome, ou davantage ciblé tel l’ « amplicon sequencing » des gènes d’intérêts, la méthode non invasive s’appuyant sur une analyse globale du sang maternel nécessiterait une profondeur de séquençage conséquente. Ceci aurait pour incidence une orientation technique tournée vers des appareils de type « Solid 5500 » ou encore « Illumina HiSeq 2000 », cracheurs de « reads ».
Dans le cadre d’une application diagnostique, l’investissement financier est l’un des aspects considéré et en ce sens la méthode « ISET », plus contraignante dans la préparation du matériel biologique, permets néanmoins d’accéder, dans la perspective d’un séquençage ciblé, aux séquenceurs de paillasse, cinq à dix fois moins cher à l’achat et à des coûts de « runs » inégalés à ce jour. Record actuellement détenu par le PGM, Ion torrent dont la capacité des puces actuelles de 100Mb et d’1Gb à venir d’ici la fin d’année 2011, permettrait un multiplexage soit d’individus pour une mutation donnée, ou encore, imaginer une liste de séquences d’intérêts à diagnostiquer par individu.
Il y a fort à parier que le séquençage à haut débit finisse par devenir un outil incontournable dans le monde du diagnostic prénatal d’autant plus que les coûts d’équipement et de fonctionnement ne cessent de diminuer. Dans cette perspective, l’évolution vers les séquenceurs haut-débit de 3ème génération (à partir de cellule unique) pourrait faire la part belle à l’utilisation des cellules trophoblastiques.
Au travers de ces avancées et de l’ère du séquençage à haut débit, les perspectives d’un diagnostic prénatal non invasif semblent se dessiner et laisse entrevoir un énorme soulagement. Aussi, la possibilité de mettre en place des plates-formes permettant de cribler l’essentiel des pathologies génétiques est envisagée.
Aussitôt, les détracteurs soulèvent la notion d’eugénisme, dénonçant un diagnostic prénatal intégral en vue d’une « traque » des individus « non conformes ».
Il apparait évident que ces avancées technologiques risquent très prochainement de soulever de réels débats de société…
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