Ce qui suit pourrait être tiré d’un roman d’anticipation technofuturiste où le héros s’empêtre dans un polar aux implications géopolitiques. Après la mise en application de la politique de l’enfant unique, politique lancée en 1979 par Deng Xiaoping qui a eu la fâcheuse conséquence d’induire un déséquilibre entre les sexes (116 garçons pour 100 filles, 2005), la Chine, forte de sa population de presque 1 milliard 400 millions de ressortissants, cherche à appliquer les lois de la sélection génomique sur sa propre population. Le Q.I., phénotype relativement héritable (héritabilité supérieure à 0,5) est le deuxième caractère, après le sexe, « choisi » par les autorités. Cette article développe les différents éléments qui ont permis à la Chine de devenir le premier pays transhumaniste.
Acte 1 : une politique de reconquête
La Chine possède des ports en Europe, une partie significative de la dette américaine, des milliers d’hectares agricoles en Afrique et un parc de bombes atomiques qui ne laisserait pas insensible le docteur Folamour. Malgré un budget de millions de dollars alloué à une armée aux ordres du parti unique, l’usine du monde ne semble pas avoir de volonté expansionniste impérialiste en vue de repousser ses frontières (si on omet le sujet du Tibet). Il semble que les ambitions de la Chine actuelle résident moins dans le fait de mettre à la disposition de l’occident sa main-d’œuvre bon marché que de devenir la première puissance mondiale matérielle et intellectuelle. c’est pourquoi le pays mise toujours sur sa vraie matière première : l’humain. Devenue une puissance spatiale avec ses Taikonautes, la Chine envoie dans les meilleures universités du monde, ses étudiants qui, de retour (pour ceux qui reviennent), accomplissent une recherche de tout premier plan. Dans le champ de la génomique et des biotechnologies, la Chine s’impose aujourd’hui comme un acteur de tout premier plan.
Acte 2 : une recherche efficace
En effet, la Chine compte plus d’un cinquième de la population mondiale et compte aussi sur la volonté de fer pour retrouver son lustre d’antan. Il est alors, relativement aisé d’imaginer que même si une portion faible de sa population atteint les études supérieures, le pays sélectionne des étudiants qui deviendront des chercheurs motivés et ayant émergé des tous meilleurs étudiants d’une classe d’âge donné. Il est passé le temps où les meilleurs chercheurs chinois s’exilaient inconditionnellement aux Etats-Unis pour finir par être naturalisés – le classement académique des universités mondiales (aussi appelé classement de Shanghaï, ou encore « Academic Ranking of World Universities » en anglais) est un outil parfait pour identifier les meilleures universités où envoyer ses étudiants. La Chine devient même attractive sur la scène mondiale de la recherche scientifique et technologique. Selon un rapport de l’OCDE, le pays est deuxième pour la dépense en recherche et développement, injectant 136 milliards US$ en 2006 (USA : 330 milliards US$ pour la même période).
L’Empire du milieu oriente sa politique du développement technologique dans des domaines jugés comme hautement stratégiques: l’énergie, les ressources naturelles, l’environnement, les techniques de production industrielle et les technologies de l’information, les biotechnologies, les nanotechnologies, les technologies spatiales et maritimes. La Chine est en tête des pays en nombre de brevets déposés par année, ceci est l’aboutissement de trente ans durant lesquels le pays a misé sur la recherche scientifique pour rattraper son retard technologique sur l’Occident. Depuis le début des années 2000, le gouvernement promeut une innovation purement chinoise. Concernant le niveau des étudiants chinois, ceux-ci commencent à être l’objet de discriminations dans certaines universités américaines où ils occupent les meilleurs places. La recherche scientifique, basée sur une « exportation » massive d’étudiants a permis à la Chine de rattraper son retard technologique, cette technologie aujourd’hui sert une recherche scientifique de tout premier plan et sert, en ce qui concerne la biotechnologie, un dessein qui peut faire peur, vu d’ici.
Acte 3 : des moyens puissants
L’exemple qui vient à l’esprit immédiatement est le BGI (Beijing Genomics Institute). A ce sujet, vous pouvez lire notre précédent article : Taylor + Deng Xiao Ping + Watson = la Chine marche sur les chromosomes. Rappelons que le BGI est la plus grande plateforme génomique mondiale et un contributeur scientifique de tout premier ordre. Grâce à des plateformes de haute-technologie permettant de générer des volumes de séquences et de typages à de très bas coût, la Chine aurait la possibilité d’appliquer les résultats de sa recherche scientifique à l’échelle de sa vaste population.
Le BGI développe un laboratoire de génétique cognitive avec pour ambition de répondre à ces questions : Comment fonctionne le cerveau humain ? Comment les gènes affectent la capacité cognitive ? Comment les gènes et l’environnement interagissent pour produire l’intelligence et la personnalité humaine ? Le BGI a lancé un recrutement d’une cohorte de personnes volontaires aux Q.I. élevés. L’objectif est donc de rechercher les variations génétiques associées à des variations significatives au niveau du Q.I. (notons qu’une étude cas-témoin eut nécessité une cohorte de Q.I. bas à très bas… difficile de procéder à un recrutement volontaire !). Le Q.I. étant plutôt héritable, il sera donc techniquement possible de sélectionner les porteurs des variants « Q.I. élevé ». Ainsi il est possible de procéder à deux niveaux :
– orientation / optimisation « d’accouplements » : les porteurs de ces variations « Q.I. élevé », après s’être génotypés, auront tendance à rechercher un conjoint lui aussi porteur de ces mêmes variations afin de maximiser leur chance de procréer un enfant lui même porteur de ces variations (notons ici qu’il n’y a pas de réel progrès génétique, en tant que tel)
– passons par l’étape FIV : évitant de miser sur le hasard, les gamètes des deux futurs parents produiront plusieurs dizaines d’embryons, chaque œuf sera biopsié (une petite étape de phi29, un génotypage ciblé ou une sélection génomique sur la base de l’exploitation d’un génotypage pan-génomique à l’aide d’une cartographie basée sur plusieurs millions de marqueurs SNPs humains). Fort de la connaissance du « Q.I. estimé » de ces dizaines d’œufs… il ne restera qu’à « contrecarrer » l’aléa de méiose et de ne ré-implanter que ceux présentant le meilleur score de Q.I. estimé…
La sélection humaine pose bien évidemment des problème de bioéthique. Si l’occident sélectionne d’ores et déjà des êtres humains dans le but de limiter les enfants nés porteurs de tares génétiques majeures, l’Empire du milieu semble parti sur une autre voie (même si cette voie n’empêche pas l’autre) : améliorer significativement le Q.I. de sa population et ainsi basculer dans l’ère de la transhumanisation (selon ce mouvement intellectuel, l’Homme doit prendre en main sa propre évolution).
Après le Q.I., le grand jeu du moment consiste à deviner quel sera le phénotype de choix (la docilité ?, le courage ?), il faut espérer que l’on attendra quelques décennies avant d’envisager le premier humain OGM… Envisageant cela, on caricature la démarche actuelle chinoise et on s’imagine, un peu, à la place de Charlton Heston à la fin de Soleil Vert (film de Richard Fleischer, sorti en 1973) quand il découvre la matière première constitutive de l’aliment qui nourrit une planète devenue stérile.
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