En ce début d’année, cet article est l’occasion d’aborder rapidement les divers axes de développements, les différents acteurs du séquençage haut-débit de deuxième génération.
– Commençons par Life Technologies et sa gamme Ion Torrent. En fin d’année 2013, la Ion Community (forum où se retrouvent les utilisateurs de la technologie Ion Torrent) s’agite à l’annonce de 3 nouveautés majeures (early access program) :
(i) L’accès à une nouvelle chimie de séquençage, la Hi-Q ™, permettant d’accroître la fiabilité de séquençage. Les erreurs seraient réduites de 90 %, ceci même au niveau des homopolymères, et pour des reads de 400 bases, témoignage de Dag Harmsen à l’appui ! En clair, il semble que ce soit l’enzyme (what else ?) qui ait été remplacé.
(ii) La deuxième annonce concerne l’arrivée de la chimie Avalanche où plusieurs heures d’amplification clonale à l’aide d’un automate One-Touch peuvent être remplacées par l’emploi d’un tube, ce qui prend alors 2 heures pour obtenir une librairie de 500 pb, et ce, de façon isothermique. Un choc de simplification qui ravira les utilisateurs pour lesquels cette étape est limitante.
(iii) La troisième annonce concerne la mise à disposition de kits permettant de réaliser des analyses métagénomiques ciblées 16 S. Un système exploitant le PGM et sa capacité de produire des reads de 400 pb. L’inconnu ici réside dans la mise à disposition de la communauté d’un pipeline analytique performant.
– Qiagen, qui n’est pas connu pour être un acteur de poids sur la scène du séquençage haut-débit, arrive en force en cette année 2014 avec une solution intégrant tous les jalons nécessaires à la complétude d’une étude. Fort de son rachat d’une solution de séquençage (lire l’article : Qiagen investit… le séquençage haut-débit de 2ème génération), Qiagen propose un environnement logiciel des plus intéressants ! En effet, la société néerlandaise a racheté les sociétés CLC Bio et Ingenuity systems. Ces deux sociétés proposent l’une des toutes meilleures solutions d’analyse de séquences: une solution d’assemblage de novo réellement performante grâce à CLC genomics workbench, et Ingenuity systems proposant les pipelines d’analyses suivants: IPA, pour donner un sens biologique aux données omiques, Ireport pour l’analyse de données d’expression et Variant Analysis, un pipeline permettant d’optimiser la recherche de mutations causales.
Ainsi QIAGEN, à l’instar de ce que nous avons tâché de représenter par le schéma ci-dessous, possède actuellement tous les maillons (ou pas loin) d’une chaîne allant de l’échantillon à l’analyse finale traduisant des données de séquences en sens biologique.
– Illumina, quant à elle, semble avoir l’ambition de devenir une sorte de Apple de la « génomicosphère ». En effet, Illumina propose BaseSpace, un Itunes pour les biologistes. D’ailleurs, notons qu’Illumina propose sur Itunes une application : MyGenome, qui propose « d’explorer un véritable génome humain » et d’afficher des rapports sur les variations génétiques importantes. « L’application MyGenome fournit une interface simple, intuitive, et éducative pour vous lancer à la découverte du génome humain« . Revenons à BaseSpace, une interface entre vous et un cloud hébergeant des applications et des données permettant d’analyser les séquences en sortie de MiSeq ou HiSeq. Ce cloud permet aux utilisateurs de délocaliser le stockage de leurs données. L’idée : simplifier au maximum l’analyse par la mise à disposition d’outils et la mise en réseau des utilisateurs. Illumina s’est aperçu que si le goulot d’étranglement constitué par l’analyse de données de séquençage haut-débit volait en éclat, nécessairement les runs pourraient se multiplier avec leur chiffre d’affaire. Le schéma ci-dessous reprend quelques éléments de la solution analytique développée par Illumina.
Une communauté de plus de 12000 utilisateurs, un espace permettant l’utilisation d’une vingtaine d’applications. L’objectif d’Illumina : créer un espace attractif, émulant et incitant les intervenants à mettre à disposition les applications développées en priorité sur cet espace. Anticipant une demande exponentielle d’analyses et d’espace de stockage lorsque le HiSeq a été intégré au BaseSpace, Illumina a décidé de mettre en place une politique de tarification qui limiterait la quantité d’espace libre pour stocker et traiter les données génomiques dans le cloud. En vertu de cette logique, les utilisateurs reçoivent un téraoctet gratuit d’espace pour le stockage et le traitement des données et seraient alors en mesure d’acheter du stockage supplémentaire par incréments de téraoctet ou 10 téraoctets – un téraoctet coûterait 250 $ par mois ou $ 2,000 d’avance pour une année complète , tandis que 10 téraoctets seraient à 1500 $ par mois ou une avance des frais annuels de $ 12 000 (données chiffrées début 2013).
En conclusion, si les années précédentes ont vu le lancement de nouveaux séquenceurs, avec depuis 2011 l’arrivée de séquenceurs de paillasse, les années 2013-2014 attendent la diffusion de séquenceurs de 3ème génération. Qiagen est un petit nouveau dans la course, ce nouvel acteur est capable, sans réel développement, de proposer une solution complète grâce à une stratégie de rachat pertinente. Illumina et Life Technologies, pendant ce temps, poursuivent leur développement en essayant d’émuler les utilisateurs avec, respectivement, leur BaseSpace et Ion Community. L’opérateur historique, Roche est le grand silencieux avec une stratégie peu lisible…
QIAGEN est un fournisseur très connu pour faire dans le haut de gamme du réactif de biologie moléculaire. Très connu pour ses colonnes de silice et sa polymérase plutôt robuste (HotStart Taq Plus). QIAGEN s’est lancé, à coups de rachats dans la qPCR et la robotique de pipettage, afin de mettre des instruments à son catalogue, instruments qui utiliseront ses consommables (on n’est jamais mieux servi que par soi-même). Ainsi la société allemande s’est payée Corbett Life Science, en 2008, 135 millions de dollars en cash. La société australienne a permis à QIAGEN d’enfin mettre à son catalogue une qPCR (à la technologie tout à fait singulière) et une robotique repeinte en bleu et gris.
QIAGEN arrive sur le marché, mais encore une fois un peu tard, des séquenceurs haut débit de deuxième génération. La société de Francfort a donc racheté Intelligent Bio-Systems (IBS) dont la technologie est sous licence de Jingyue Ju (Université de Columbia). Cette licence propose une méthode permettant de diluer les molécules marquées (les terminateurs réversibles, ces mêmes molécules qui sont utilisées par la technologie d’Illumina dans Hiseq et Miseq). Ainsi les coûts des consommables s’en trouvent diminués.
Le Mini20 comme se nomme la plateforme développée par IBS, a tout d’une grande. Les coûts annoncés, il y a un an de cela, avoisinaient les 300 $ / Gbase (à la même date sur Miseq, les 600 $ / Gbase étaient dépassés). La technologie rachetée par QIAGEN permet d’utiliser « 20 flow-cells » , adressables individuellement pour un débit de 20 M reads / flow cell, débit total de 80 Gbases. Le séquenceur était annoncé à un prix de 120 k$ venant clairement marcher sur les plates bandes d’un Miseq. A n’en pas douter, l’arrivée d’un poids lourd comme QIAGEN sur le marché du séquençage haut-débit de 2ème génération devrait dynamiser et quelque peu perturber le ménage à deux de Life Technologies et Illumina. Certes, QIAGEN, avec ses solutions de préparations d’échantillons (chimie et instruments de pipettage), serait un nouvel acteur proposant des solutions complètes (et notamment en bio-informatique grâce à un partenariat avec SAP).
L’ambition de QIAGEN semble être de fournir une solution complète de l’échantillon à l’analyse des séquences que leur Mini-20 aura généré. Il faut juste espérer que les perspectives de croissance sur le marché des séquenceurs de 2ème génération ne soient pas anéanties par l’arrivée d’un séquenceur de 3ème génération à coût raisonnable. QIAGEN arrive tard dans la course mais avec une offre « tout inclus » qui serait susceptible de faire mouche pour qui n’a pas accès à un plateau technique de biologie moléculaire ou encore à des compétences en bio-informatique.
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