On a (presque) oublié la vocation première de Louis Ferdinand Destouches plus connu sous son nom de plume L.F.Céline… un médecin occasionnel devenu homme de lettres au style révolutionnaire. L’un des premiers à faire incorporer le langage de la rue dans des romans lucides, engagés ou nihilistes. Il a su jouer sur des sonorités, il a ajouté la musique dans le roman traditionnel. L’un de ses tous premiers écrits est disponible aux éditions Gallimard collection Imaginaire : Semmelweis (préface inédite de Philippe Sollers), 1999, 128 p. Cette édition comporte une bibliographie sur Semmelweis établie par Jean-Pierre Dauphin et Henri Godard, ainsi que différents textes parus après la soutenance de la thèse de Louis Ferdinand en 1924. Dès l’écriture de sa thèse LFC affiche son style : sonore, provoquant, sans concession. Cette thèse est d’ores et déjà un objet littéraire à part entière (lors de sa soutenance Céline à 30 ans). Le sujet de cette biographie analytique : « la vie et l’oeuvre de Philippe Ignace Semmelweis (1818-1865) » est singulier à plusieurs niveaux : l’histoire d’un confrère (de LFC) « scientifique » face à une conviction dont il n’arrive pas à tirer une démonstration, l’histoire d’une opposition au conservatisme, un homme fort de ses déductions dont les paires rejettent les conséquences (un Galilée de la médecine). Dans sa thèse Céline décrit la valse macabre de la fièvre puerpérale qui passe des salles de dissection aux salles d’accouchements. Semmelweis convaincu – sans arriver à le démontrer formellement- que le vecteur de ces infections étaient les mains souillées des étudiants qui passaient de salles mortuaires aux salles d’accouchement. Céline peint un Semmelweis comme un obstétricien maniaque, déterminé, persuadé d’être dans le vrai quand, après observation, il essaie de persuader ses confrères de se laver les mains au chlorure de chaux -une idée de l’aseptie avant l’invention du mot microbe (par Charles Sédillot en 1878, 13 ans après la mort de Semmelweis). Une biographie tragique où l’obscurantisme est un des éléments poussant Semmelweis vers la folie. Quelques décennies plus tard, Louis Pasteur connaîtra un autre sort.
Il est de nos jours surprenant et presque déstabilisant, de lire une thèse de médecine, de moins de 80 pages qui constitue un objet littéraire abouti, une observation scientifique et humaine, argumentée et subtile. Seul contre tous, Semmelweis a maintenu sa position. Quant à lui, Céline par la voix de Bardamu -médecin anti-héros du Voyage au bout de la nuit- donne une définition de la médecine libérale : « larbin pour les riches, voleur pour les pauvres. »
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