Séquenceurs haut-débit : les nouveaux couteaux suisses de la biologie analytique
Depuis 2005, le séquençage haut débit, comme son nom l’indique, a permis d’accroître la quantité de séquences produites par unité de temps, d’individu et de machine. Si intrinsèquement le terme de révolution est associé à ce type de technologies, il semble qu’il serait plus indiqué de l’associer aux nouvelles approches qui en découlent.
En effet, le séquençage nouvelle génération permet d’aborder des études sous de nouveaux angles d’approches. Bien souvent ces approches existaient pour la plupart avant l’avènement de ces nouvelles machines mais leur mise en œuvre étaient bien souvent laborieuses, coûteuses. Beaucoup de techniques nécessitaient des a priori techniques ou scientifiques (des a priori dus à la sélection et aux designs de sondes déposées ou synthétisées sur un support solide dans le cas des puces à ADN permettant les études transcriptomiques). Les nouvelles méthodes de séquençage, quant à elles, permettent de lever certaines anticipations expérimentales. Ainsi une étude du niveau de modulation des transcrits peut grâce à l’emploi de ces technologies en découvrir de nouveaux, ce que ne permet pas ce même type d’études sur puces à ADN. En outre tout a priori constitue un biais expérimental potentiel.
Pour résumer, un peu simplement, le séquençage haut débit dépasse l’outil analytique pour devenir une méthode exploratoire à part entière.
L’objectif de cet article est de proposer un bref aperçu du spectre d’applications et des champs d’expertises que ces nouvelles approches révolutionnent (nous reviendrons plus tard plus en détail sur certaines).
Concernant les applications ayant pour finalité les études génomiques, sont à distinguer :
– Séquençage de novo
Cette application découle de la quantité même de séquences que ces nouvelles générations de machines sont capables de générer. Aujourd’hui il est admis qu’un séquençage de novo nécessite une profondeur de 25 X, c’est-à-dire qu’il est possible de séquencer l’ADN d’un organisme procaryote en un run de séquençage sur la plupart des configurations de séquenceurs. Ce type d’applications a pleinement bénéficié des outils bio-informatiques au niveau des logiciels, machines et compétences humaines de plus en plus disponibles pour tenter de banaliser cette application. Ainsi, le centre de Shenzen avec le BGI (Beijing Genomics Institute, Chine) propose deux projets (pompeusement intitulés library of digital life) le premier consiste au séquençage (et reséquençage) de 1000 génomes de plantes et d’animaux et de 10 000 génomes microbiens.
– Découvertes de SNPs (Single Nucleotide Polymorphisms)
Cette application a très vite trouvé une application directe, elle a contribué au développement de puces à ADN de génotypage haut débit. Ainsi Illumina a pu produire en quelques mois des puces à ADN permettant le génotypage en parallèle d’environ 2,5 millions de SNPs par échantillon (un format 5 millions de SNPs est en préparation) en s’appuyant sur les résultats du consortium 1000 génomes qui a enrichi les bases de données en variations génétiques de la séquence consensus humaine. Ces outils permettant de réaliser des études d’association en réalisant des profils génétiques de plus en plus résolutifs.
Pour ce type d’application, deux modalités sont à distinguer :
– le reséquençage ciblé de zones d’intérêt, étape faisant suite, par exemple, à une étude d’association et permettant après reséquençage d’un locus génétique associé à un caractère particulier, de déterminer la causalité du phénotype différentiellement observé en terme de séquence.
– le réséquençage exhaustif d’ADN génomique. Cette modalité quant à elle, permet la mise en œuvre d’études de comparaisons génétiques de souches (telle que le permet la CGH (Comparative Genomic Hybridization) en s’affranchissant de toute hybridation grâce au séquençage direct)
Sous ce champ expérimental des études génomiques, peuvent être classées toutes les études de métagénomiques où un milieu cherche à être caractérisé le plus exhaustivement et finement possible par la diversité et le degré de contribution de chaque micro-organisme vivant (ou mort…) qui le compose. Le séquençage haut débit permet de rendre accessibles ce type d’approches.
Etudes transcriptomiques
Des méthodologies employées sur puces à ADN telles que les études transcriptomiques ont évolué et été adaptées sur les plateformes de séquençage haut-débit. En outre, ces nouvelles approches permettent de mesurer plus finement des niveaux de modulation tout en tenant compte des isoformes des transcrits. Encore une fois, le fait de séquencer permet de limiter les biais en comparaison de l’emploi de puce à ADN. La lecture plus directe s’affranchit des éléments de design de sondes, des phénomènes d’hybridation etc. A terme, les séquenceurs haut débit supplanteraient les puces à ADN pour ce qui concerne les applications d’études transcriptomiques.
– Réalisation de profils d’expression globale où l’intégralité du transcriptome cherche à être finement caractérisé pour une condition donnée.
– Caractérisation d’ARN non codant
Lors d’études de profils d’expression, les méthodes de séquençage haut débit permettent d’envisager la détermination et caractérisation des ARNs non codants (ici sont particulièrement visés les miRNA et smallRNA).
Etudes épigénétiques
– Etudes de la méthylation de l’ADN (méthyl-seq)
Les études de la méthylation de l’ADN génomique cherche à cartographier les loci fortement métyhylés dans une circonstance donnée. Pour rappel, une faible méthylation favorise la transcription mais une forte méthylation, au contraire, l’inhibe. Lorsque le promoteur d’un gène est méthylé, le gène en aval est réprimé et est donc plus difficilement ou pas du tout transcrit en ARNm.
– Etudes d’association protéines-ADN
Le ChIP-séquençage, également connu sous l’appellation de ChIP-Seq, est utilisé pour analyser des interactions protéines/ADN. Le ChIP-Seq combine immunoprécipitation des zones génétiques sur lesquelles se trouvent fixées des protéines (ChIP) avec le séquençage haut débit de l’ADN afin d’identifier des motifs consensus. Il peut être utilisé pour une cartographie précise de sites de liaison pour une protéine d’intérêt.
Ces deux dernières applications ont dans un premier temps été développées sur la base des tiling-arrays. Le séquençage haut débit permet de diminuer les coûts d’investigation tout en gagnant en sensibilité.
Des technologies émergentes permettent souvent d’envisager de nouvelles applications diagnostiques. Ainsi quelques études depuis 2008, (Fan et al., Noninvasive diagnosis of fetal aneuploidy by shotgun sequencing DNA from maternal blood. Proceedings of the National Science Academy of the USA, 2008, 105, 16266–71), semblent ouvrir la porte à un diagnostic prénatal non invasif.
La recherche médicale avec son débouché clinique de la médecine personnalisée entrevoit des applications au séquençage haut débit. Ainsi, une équipe, montre dans des résultats publiés dans Nature Genetics, pour la troisième fois au monde, la faisabilité d’une étude menée sur la base du séquençage de l’exome, aboutissant à la découverte d’une causalité génétique (simple, puisque monogénique). Cette mutation du gène NOTCH2 causalité d’une maladie rare, le syndrome de Hadju Cheney, une ostéoporose sévère, a été identifiée et caractérisée efficacement par l’application des techniques de séquençage haut débit. Il y a peu ce type d’identifications n’auraient pas été financées puisque trop longue à mener, trop coûteuses pour des retombées certainement perçues comme limitées. Pour beaucoup, ces études menées à grandes vitesses trouveront des applications concrètes dans le champ de la médecine personnalisée… mais de cela nous reparlerons.
Qui sommes nous?
Christophe Audebert [@]
En charge de la plateforme génomique du département recherche et développement de la société Gènes Diffusion .
Renaud Blervaque [@]
Biologiste moléculaire, chargé d'études génomiques.
Gaël Even [@]
Responsable bioinformatique au sein du département recherche et développement de la société Gènes Diffusion.Catégories
- Analyse de données (14)
- Automatisation (5)
- Bioinformatique (27)
- Biologie (56)
- biologie transverse (35)
- Biotechnologie (30)
- Chronique littéraire (8)
- Comparatif (6)
- Diagnostic (8)
- Economie (17)
- Epidemiologie (2)
- Evénement (17)
- Formation (3)
- Gestion de projet (5)
- Grille de calcul (1)
- Intégration (5)
- Logiciels (8)
- Médecine (14)
- politique de la recherche (17)
- Recherche (21)
- Séquençage (70)
- Séquenceur (39)
- Uncategorized (25)
- Workflow (4)
Accès rapide aux articles
- Covid-19 : zoom sur les vaccins
- Comment l’ADN pourrait être le stockage de données du futur
- COVID-19 : la data visualisation au service de la science
- COVID-19 : des explications et un point d’étape au 20 février 2020
- Pour mettre du vin dans son eau
- Des petits trous, toujours des petits trous…
- Qui serait candidat ?
- Un robot pour analyser vos données…
- Monde de dingue(s)
- L’art et la manière de développer une qPCR
- Un MOOC Coursera sur le WGS bactérien
- Chercheurs & enseignants-chercheurs, l’art du multitâche.
- Un jeu de données métagénomiques
- Facteur d’impact
- Microbiote & smart city : juxtaposition de tendances
Accès mensuels
- février 2021 (1)
- décembre 2020 (1)
- février 2020 (2)
- septembre 2019 (1)
- avril 2018 (2)
- décembre 2017 (1)
- novembre 2017 (2)
- juillet 2017 (2)
- juin 2017 (5)
- mai 2017 (4)
- avril 2017 (3)
- mars 2017 (1)
- janvier 2017 (2)
- décembre 2016 (3)
- novembre 2016 (4)
- octobre 2016 (2)
- septembre 2016 (2)
- août 2016 (3)
- juillet 2016 (2)
- juin 2016 (4)
- mai 2016 (3)
- mars 2016 (1)
- novembre 2015 (2)
- avril 2015 (1)
- novembre 2014 (1)
- septembre 2014 (1)
- juillet 2014 (1)
- juin 2014 (1)
- mai 2014 (1)
- avril 2014 (1)
- mars 2014 (1)
- février 2014 (3)
- janvier 2014 (1)
- décembre 2013 (5)
- novembre 2013 (2)
- octobre 2013 (2)
- septembre 2013 (1)
- juillet 2013 (2)
- juin 2013 (2)
- mai 2013 (4)
- avril 2013 (2)
- mars 2013 (1)
- février 2013 (3)
- janvier 2013 (2)
- décembre 2012 (2)
- novembre 2012 (2)
- octobre 2012 (2)
- septembre 2012 (2)
- août 2012 (1)
- juillet 2012 (3)
- juin 2012 (5)
- mai 2012 (5)
- avril 2012 (6)
- mars 2012 (6)
- février 2012 (8)
- janvier 2012 (6)
- décembre 2011 (5)
- novembre 2011 (6)
- octobre 2011 (6)
- septembre 2011 (7)
- août 2011 (5)
- juillet 2011 (8)
Pages